1994 - Colombie - Che Guevara en déguisement

En 1994, en Colombie, je débarque et me prend de plein fouet toutes les névroses viriles du monde alternatif napoléonien français, la bonne caramaderie, l'auto persuasion d'offrir du rêve aux pauvres, l'auto mythification de soi, la bonne camarederie, les tapes dans le dos, l'esprit complice, les vannes à tour de bras musclés, la connaissance de tout, la fierté dégoulinante de l'alternatf téléporté dans des bleds naïfs et curieux du trajet Santa Marta Bogota.

Un contraste frappant comme dirait Kubrik devant un cocktail crème fraîche-aguardiente.

Après huit années de squats parisiens, le monde que je pensais être une étrange avant garde se transforme sous mes yeux en énième conformisme.

Le texte ci dessous est un fantasme dédié à grand Dédé, jamais revu depuis, pour son anniversaire, envoyé à un messager intermédiaire.

 

 

 

Je fais de Dédé, ,personnage de mon enfance,  volontairement pour lui souhaiter bonne continuation dans le monde des ombres et des miroirs éteints- un général, un Titan fantasmé comme un héros d’images enfantines.

Il se retrouve avec képi Dédénéral, Ou Gégénéral.

Le Grand Gégé est le dédé général.

Il est celui qui, sorti de la jungle colombienne et formé aux techniques guerrières ancestrales, viendra vous sauver quand vous chantonnerez la mélodie qui l’appelle, il apparaîtra dans la nuit si vous vous retrouvez dans une embuscade en plein deux-sèvres, vers Saumur, un mauvais soir, par exemple, lors d’une chasse à l’homme paranoïaque avec des complotistes Américains pro-Poutine.

 

 

Le Grand Dédénéral porteur  de Fabrice et Germain était un des seuls à  avoir correct cool avec moi, le petit jeune qui débarquait, avec Jaco le grand roadie, Coco Jaconelli qui ne me posait aucune question mais me donnait du travail dans le bain d’acidité qui régnait.

Un de seuls parmi une quarantaine de cyniques agressifs et désorientés, jouant les gros bras de l’alternatif au milieu de colombiens qui ne savaient pas ce que c’était.

Je revenais d’un an en chine, la cervelle en confetti, et j’avais passé quinze jours à Bogota, chez ma chère Maria qui remplaçait et  physiquement  ma mère et psychiquement ma pauvre famille Argentine chez qui je m’étais grillé, enfoncé, dès douze ans, deux étés de suite.

 

C’était la déconfiture des révolutionnaires français,  rockers noyés comme des mouches au cœur de la Colombie, et leur vrai visage apparaissait comme le deuxième masque derrière l’apparence si française, qui d’un coup avait dégouliné.

Dédénéral semblait du coin, du cru, et s’était défait du costume alternatif révolutionnaire en vente à Paris pour découvrir un torse de titan au soleil bandant d’une dureté toute vive, celle des journées à quarante degrés, du soleil fouettant la figure à six heures du matin, aux aurores.

Son travail quotidien était de soulever du sol deux jeunes éphèbes très sérieux au physique opposé, l’un brun aux cheveux longs, svelte et frémissant, l’autre large de pectoraux, cheveux boucliers, spartiate trapu.

Ils faisaient tous les trois une sorte d’artisanerie  quotidienne, ils faisaient du physique, dans le corps  pour le corps comme le Ramon du cirque Gosh, alors que tous les autres étaient à la guitare, à l’image encombrante d’eux même dans la brousse, ou à la paille qui rend frivole.

Ils répétaient leur numéro quotidiennement avec leurs trois têtes de pieds nickelés qui roulaient à tour de rôle dans une lumière moite, et c’était les même gestes répétés tous les jours, et c’était rassurant.

 

Je n’ai pas revu grand Dédé depuis, mais comme une ombre, il apparaît tous les six ans, des pythies des messagers de temps à autre me donnent de ses nouvelles, qu’il est bien là, quelque part dans un coin, un coup c’est Valy de Nyons, un coup Frantz Clochard, et dix coups dix autres à la fin d’une fête à tiroir, au début de l’installation d’une grande table.

 

Le grand Gégénéral est passé par Calais

Il a du voir trembler quelques fleurs du CAES

Quand à Ris Orangis quelques bêtes encore paissent

On a détruit le centre, c’est maintenant un palais.

 

Le Grand Dédé néral a du friser des pentes

A Saint Nazaire ou Nantes, emprunter des descentes

Et leur tordre le coup pour en faire des montées.

 

Le Grand dédé Néral a du, en général

Lever des soldats blonds, former des soldats bruns

Pour former des armées d’un genre particulier

Ni pour un supérieur, ni pour un inférieur

Ni pour aucune valeur ajoutée.

Il a du d’un coup de pelle sculpter quelques chemins

Comme on ajuste des perles autour d’un fil de pêche pour

Finir le collier autour du cou princier

D’une déesse de la mèche fille d’un artificier.

 

Le grand Dédé Néral a du se transformer

Une bonne vingtaine de fois

Mais je n’en saurais rien,

On ne me l’a pas dit,

On ne m’a pas conté

Ni parano, ni Par année.

 

Le Grand dédé Nerval, général des jungles des chemins assoupis

Empoigne d’une main de fer un petit train maudit

La mère de Godzillah vient lui porter main forte

Et d’un coup de talon enterre le spaghetti

Petit train  colonial chenille acide lombric menteur

Le grand Dédé Nerval m’a vengé dans la nuit

d’un voyage coup de soleil au pays des zombies.