Ivan DENYS

Cérémonie d'adieu

Yvan Denys, Papier du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, 1945-6. Archives Nationales.


Journal de Résistance 1941-1944, Yvan Denys, ancien élève au lycée Janson, 1bis rue de Siam, 16°, actuellement étudiant

Novembre 1941. Paul Guimiet et moi décidons de réunir quelques camarades de Janson et nous mettre en rapport avec la résistance qui s’organise en Bretagne.

De décembre 1941 à juin 42, nous passion notre temps à rédiger des consignes sur la possibilité de guérillas. Nous pouvons nous procurer des manuels d’instruction des E.O.R. Et diverses brochures, dont nous recopions les articles principaux : je tape les textes à la machine tandis que Guimet les illustre : – maniement du fusil : 30 exemplaires – de la mitrailleuse : 10 exemplaires – de la grenade : 20 exemplaires.

Avril 42. notre groupe de Janson compte environ 60 à 60 camarades « Gaullistes ». cherchons désespéremment une liaison avec un groupement, étudiant ou autre. Faisons rédiger à chaque membre du groupe des tracts, en particulier après le discours de Laval (juin 42). Nous distribuons les fameuses instructions sur le maniement d’armes. Nous décidons de redoubler la propagande contre les « pétainistes » du lycée, et surtout contre l’École des Chefs dirigé par un certain Henri Birault, bochophile avéré.

Juillet 42. participation massive de notre groupe à la contre-manifestation organisée place Victor Hugo contre des doriotistes. Nous faisons chanter à la foule la Marseillaise et crier « Laval au Poteau « Laval au Poteau ».

D’octobre décembre. Beaucoup de membres de notre petit groupe ont quitté le lycée. Nous essayons de regrouper les autres.

En décembre 1942, nous apprenons que des professeurs du lycée se groupent dans une vaste organisation. Nous réussissons à nous mettre en contact avec M. Lablénie par l’intermédiaire de P. Saget. Avec M. Lablénie nous décidons d’intensifier la propagande en nous fixant des buts précis.
I.°) Lutte contre l’école des chefs – nous réussissons à en détacher quelques adeptes.
2°) Lutte contre les professeurs et élèves collaborateurs, en particulier contre Stein professeur d’allemand. (Tracts, propagande auprès des élèves, qui aboutit à des « chahuts » prolongés).
3°) Diffusion de tracts.

Mars 1943. Nous avons de plus en plus le désir de nous rendre vraiment utiles. Nous sommes persuadés d’un prochain débarquement. Sur l’insistance d’un de nos camarades (Fouret) nous décidons de partir en reconnaissance en forêt près de Paimpont (Bretagne) pour essayer d’entrer en contact avec le maquis.

Fouret, Guimiot, Demarteau, Rabaté, partent pour Paimpont peu avant les vacances de Pâques. Naturellement, drame familial, intervention du proviseur... Saget indique finalement le lieu du camp des disparus.

Lablénie va les rechercher en forêt de Paimpont.

Mai 1943. Contacts étroits avec M. Lablénie, mais la prudence s’impose : « l’affaire des quatre a commencé à se divulguer au lycée. Seule activité : diffusions de tracts tapés à la machine.

Novembre 1943. par l’intermédiaire de Guimiot, M. Lablénie nous met en contact avec le Front National Étudiant. Guimiot garde le contact avec Martin (Serge Apikiane) et moi avec Dollivier. Nous reconstituons un groupe, sûrs cette fois de ne plus travailler isolément. À partir de juin 1843, Guimiot et moi sommes de plus en plus fréquemment absents du lycée.
(rendez-vous multiples avec Dollivier. Nous lui demandons du « matériel » mais il est hélas bien rare). En février 1944 seulement nous obtenons environs 200 « lycée Patriote » ronéotypés.

Nous décidons de concentrer notre activité sur les points suivants :

I°) Développement intensif du recrutement.
2°) Propagande incessante au lycée (pas un jour sans tract)
3°) Surveillance des milliciens et doriotistes du lycée. Nous faisons une liste noire que nous transmettons à M. Lablénie et au F.N.E.
4°) Collecte pour le C.A.D. Nous recueillons environ 1200 fr dans les classes de philosophie.

3 mars : descente du Bd St-Michel par 200 étudiants (nous sommes une dizaine de Janson).

Mars 1944. En mars nous avons une vingtaine d’adhérents au Front National, qui paient 10 fr de cotisation.
Dollivier et Martin décident de me donner la liaison avec les lycées Carnot, Buffon, et Pasteur que je devrais contrôler.

Avril 44. Intensification de la propagande après les vacances : inscription au noir de fumée sur le lycée et dans les rues avoisinantes (rue de la Pompe, avenue Mozart, Avenue Paul Doumer). Collages d’affiches et tracts (Front National, Lycée Patriote, tracts du F.U.J.P.) Prise de contact avec le groupe « Défense de la France » dirigé par Guillauminot. Demandons la formation d’un Comité permanent d’Union des Étudiants patriotes. Actions commune pour les inscriptions et les distributions de tracts.

En avril également, j’obtiens enfin la liaison avec deux camarades de Buffon : nous leur donnons des tracts à distribuer. De même pour Pasteur. De février à avril, 2 ou 3 prises de paroles du F.N.E des lycées, auxquelles participent chaque fois des camarades du groupe de Janson. Février : Henri IV (nous sommes 12 de Janson). Rue de Passy.

2 mai : manifestation UEP bd St-Michel.

Mai 44. Restons trois semaines sans aucun contact avec le F.N.E. (Dollivier et Martin arrêtés).
Mais nous sommes toujours en contact avec M. Lablénie qui nous donne des tracts à distribuer.

Fin mai. Reprenons contact avec le F.N.E par l’intermédiaire d’un camarade de Condorcet. Guimiot et Prodomide sont chargés du secteur de al rive droite (Voltaire, Rollin, Condorcet, Carnot, Pasteur). Je monte un secteur parisien des lycées avec Joinville (Pierre Weil) et Viguère (Poperon Jean). Nombreuses prises de parole les derniers jours de mai. (fin de l’année scolaire). Janson (environ 50 participants, de tous les lycées de Paris) Carnot (50 participants) Pasteur (20 à 30 participants) Buffon-Condorcet. Bibliothèque Ste Geneviève (Prise de parole de Petot). Rue de Bellevillle. Rue Mouffetard.

Juin 44. Maspéro monte au secteur avec Joinville et moi (Lefèvre a dû partir en Anjou). Avec Darcourt (Baron) nous essayons de recruter, parmi nos camarades, des F.T.P.F. Cinq ou six de janson s’engagons (nous avons partiellement perdu le contact avec nos 40 autres camarades de Janson qui avaient payé leur cotisation en mai). Fn juin « récupération » de tickets. Participation nombreuse des lycées, et en particulier de ceux de Janson, aux diverses manifestations de masse = : en particulier 4 juillet Fb St-Denis. Nous sommes 12 de Janson, environ 100 pour l’ensemble des lycées. Chacun distribue environ 500 tracts. 10 juillet. Rue des amandiers. 14 juillet. Rue de Belleville. Etc. Le 13 juillet, le groupe des lycées a reçu des crayons pl_tiques. Maspéro, Weil et moi en plaçons 5 sous divers camions (14 et 15 juillet).

Depuis mai Guimiot s’est engagé dans un maquis. J’ai été chargé de al diffusion du matériel dans l’ensemble du groupe F.N.E. Des lycées. (Lettres françaises, numéros de mai 43. 44. Marseillaise. Tracts FTPF, etc.)

22 juillet. Maspéro et moi abattons un officier allemand (SS) au carrefour Messine-Hausmann, à 8h du soir, après avoir « récupéré » un révolver aux Buttes-Chaumont.
23 juillet. Tentative de récupération de vélos au Bois de Boulogne. Échoue.
24 juillet. Maspéro et moi allons faire une liaison Villois-Le-Bel. Je dois revenir à pied après un accident stupide qui m’immobilise quelques jours.
27 juillet. Je ne peux participer à la journée de vengeance du 27 juillet. Vers midi, étendu sur une chaise longue, je reçois la visite de Maspéro et de J.P. Mulotte, auquel je prête mon revolver. Je ne peux les accompagner, car il m’est impossible de mettre le pied à terre.
Le soir, Maspéro vient m’annoncer l’arrestation de Mulotte, à Neuilly. Il me supplie de partir de chez moi.
30 juillet. Mulotte est fusillé à Neuilly.
J’ai perdu toute liaison avec le F.N.E. Début août. Je retrouve M. Lablénie. Ile me redonne aussitôt du travail à faire. (Tracts, etc...). Du 17 au 19 août, nous sommes en haleine. Le quartier général du Front Nationale Universitaire s’installe chez M. Lablénie. Le 18 et 19, nous tapons des ordres de mission. Saget fabrique un cachet « Université de France. F.N.). Mme Lablénie fait des brassards. Le 19, grande réunion d’une dizaine de membres du F.N.U. J’accompagne M. Lablénie au lycée Louis le Grand, où il voit Bonin et Maublanc. Les chars boches patrouillent rue St Jacques et Bd St-Michel. Le 20 à 7h du matin, nous partons au Ministère de l’Éducation Nationale. Après quelques commentaires, le concierge nous ouvre les portes : le Ministère est occupé.

Aussitôt la garde s’organise. Les tâches sont réparties. Avec Guimiot, Saget, Lapicide, je fais les liaons entre la rue Paul Saunière, le Ministère et divers autres services.
À Janson, Ribet a fait hisser le drapeau tricolore dès le samedi 19. Incidents avec le proviseur, qui el fait enlever.
Lundi 21 août. Toute la journée, nous parcours la ville, portant brassards et ordres de mission à tous les membres du F.N.U. Nous suivons les péripéties de la bataille.
Mardi. 2 conseils académiques : à Buffon, à Chaptal. Distributions des tracts, brassards, etc. Partout les mitrailleuses crépitent. À Chaptal, les boches sont sur les toits, les FFI sur un autre. Il est très difficile de sortir. Nous essuyons des rafales.
Chaque nuit, du 19 au 24, nous montons la garde du Ministère, tandis que Wallon, Maublanc, Lablénie réorganisent le Ministère.

Mercredi 23. Guimiot et moi passons la journée aux barricades du Quartier latin.
Jeudi 25. Nous allons réquisitionner la librairie Rive Gauche. Saget et moi y montons la garde dans la nuit du jeudi au vendredi. Des boches et miliciens isolés tirent quelques balles au rez-de-chaussée.
Vendredi 26. Installation du F.N.U dans la Librairie, baptisée « Maison Universitaire ».

29 août : Grande manifestation au Ministère : sous la plus, 1500 professeurs acclament Wallon, Maublanc, Bonin, Lablénie.

Septembre : Extension énorme du F.N.U. et du F.N.E. Enthousiasme de tous pour la particpation à la Victoire et à la Renaissance du pays.

Yvan Denys.  

 

 

Cérémonie d'adieu